Né au XIXe siècle, codifié au début XXe, le squash a dû attendre les années 70 pour s'imposer réellement comme un sport. Surtout pratiqué au Royaume-Uni et dans ses anciennes colonies, il a élargi son horizon au cours des années 2000.
Chaque semaine avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur une histoire de sports telle que l’a racontée la presse de l’époque. Ce samedi : l’arrivée du squash en France alors que se déroulent les championnats d’Europe.
18 novembre 1911, la Vie au grand air, annonce la construction du premier court de squash en Europe. Le journal parie que «ce tennis modifié», va cartonner puisque «tout le monde convient que les Angloaméricains sont nos maîtres, ou tout au moins nos initiateurs, en matière de jeux sportifs». «Jusqu’ici, toutes leurs importations ont été reçues avec enthousiasme parmi nous, constate le journal. Nul doute que le squash, le dernier jeu qui vient de passer l’Atlantique, ne trouve un accueil sympathique chez nos sportsmen.»
Quinze ans plus tard, le 27 novembre 1926, le Grand Echo de l’Aisne ironise sur ce «gamin de sport, qui suivant les traces dorées du jeune Jackie Coogan [l’acteur qui interprétait le Kid dans le film de Chaplin, ndlr], a déjà fait son chemin dans la vallée des dollars». Mais pour l’auteur de l’article, la discipline ne serait qu’une supercherie historique. «Je n’ai pu résister au désir de consulter mon bréviaire sportif que j’ouvre au chapitre "Jeu de paume" et j’y lis que la courte-paume se pratique dans une salle de 28 mètres sur 9,50 mètres, murs de 7 m de hauteur. Se joue avec une raquette en frêne et des balles très dures. Ce jeu a été réglementé par arrêts et ordonnances royales dès 1397. J’arrête et je conclus tout de go que le signalement de Squash est identique à celui de Courte-Paume […] Squash c’est donc Courte-Paume avec un faux passeport!!!»
En 1926, dans la Petite Gironde (18 novembre), le squash est déjà évoqué comme un défouloir pour cadres (même si l’on n’utilise pas le terme à l’époque) submergés de travail, ce qu’il deviendra effectivement quelque soixante-dix ans plus tard. Un as de la pelote basque, Pierre Etchebaster, en vante les mérites: «On le pratiqua avant-guerre. C’est un jeu admirable pour se mettre en souffle, un jeu que tout le monde peut pratiquer. Dès la première leçon on sait joueur et au bout de dix minutes, on est en sueur.» «Exercice pratique pour les hommes de bureau qui manquent d’exercice, lui demande le journaliste. Oui, et aussi pour les joueurs de tennis. Tenez, Lacoste et Borotra [deux des quatre mousquetaires, qui avec Brugnon et Cochet, remportèrent la première Coupe Davis pour la France en 1927, ndlr], vont jouer le squash.» Et le champion d’annoncer la création de «quatre jeux sur un des courts de paume de la rue Lauriston [salle parisienne historique]. Inauguration fin décembre, un grand personnage étranger présidera».
En 1927, la Gazette de Biarritz, Bayonne et Saint-Jean-de-Luz parle moins d’un sport que d’un exercice physique. En Amérique, «beaucoup de sportifs délaisseraient, paraît-il, le tennis pour le squash. Le motif en serait l’obligation, où sont encore plus qu’en France les hommes de travailler activement à leur "business". La place que nécessite un club de tennis l’oblige à s’installer loin du centre des affaires: un squash court se loge dans une vaste pièce. Une partie de tennis dure longtemps; une partie de squash: ce que l’on veut.»
A la lecture de l’Echo de Paris du 15 juin 1936, on comprend que ceux qui prédisaient un grand succès populaire au squash se sont fourrés la raquette dans l’œil. En effet, le journal présente en une «"le squash rackets", un sport anglais inconnu en France». «Ce jeu se pratique surtout dans les villes, car les courts sont relativement petits et ne demandent que peu d’emplacement. Très répandu dans les pays où l’on parle la langue anglaise, tels l’Amérique, les Indes, il serait très intéressant de voir ce sport se répandre en Europe car il demande beaucoup de force, d’endurance et d’adresse. C’est un jeu qui demande beaucoup de poignet, d’habileté à placer la balle sur un point déterminé et de la vitesse de la balle. Ce sport est extrêmement fatigant.»
En mars 1934, Je suis partout, évoque, dans ses «Potins de Londres» les championnats du monde de squash, «sorte de combinaison du tennis et de la paume, qui connaît depuis quelque temps, dans les pays anglo-saxons, une popularité telle que les salles d’entraînement sont devenues trop rares et qu’on s’écrase pour suivre les matchs de championnat». Mais le journal le plus violemment d’extrême droite jamais publié en France s’intéresse moins aux résultats qu’à des détails plus triviaux. «La tenue des athlètes yankees a suscité d’abondants commentaires. Toutes en effet, portaient des shorts, et leur exemple a été aussitôt suivi par leurs concurrentes anglaises. On y voit une indication à peu près certaines sur l’évolution de la mode sportive qui sera en honneur dès le printemps sur tous les courts du royaume.» (La tenue des sportives est un vieux débat, comme nous le racontions dans cet épisode de Rétrosports)
Nouveauté, en mai 1939, intime à ses lecteurs : «Faites du tennis, pour acquérir souplesse et vigueur.» Le journal pense que ce sport est «l’authentique descendant de notre vieux jeu de paume», et qu’avec ses ersatz, il n’y a pas match : «A la pelote basque ou au squash, par exemple, il est toujours possible de frapper de toutes ses forces. Même en fermant les yeux, on ne ratera pas le mur !» Fermez le ban.
Suite et fin de l’histoire. «Inventé» vers 1850 à la très sélect école privée de Harrow, à Londres, par des élèves, qui, patientant pour un court de tennis, eurent l’idée de faire rebondir une balle contre un mur, le squash n’eut droit à son premier vrai court qu’en 1883 à Oxford. Il sera longtemps cantonné aux écoles et universités. La première fédération officielle voit le jour aux Etats-Unis en 1907 avec la codification du jeu, alors qu’en Angleterre le squash s’émancipe petit à petit du tennis, jusqu’à la création d’une fédération propre en 1928. Deux ans plus tard, elle crée ce qui reste le plus prestigieux tournoi de ce sport : le British Open – où les femmes furent conviées en 1950 –, longtemps considéré comme le championnat du monde, jusqu’à la création du World Open, en 1976, neuf ans après la naissance de la Fédération internationale.
C’est dans les années 70 que la discipline s’impose réellement comme un sport, devenu professionnel en 1981, pas vraiment international tant, à ses débuts, il est surtout pratiqué au Royaume-Uni et dans ses anciennes colonies. Dont les ressortissants dominent les compétitions, à l’image des Pakistanais Jahangir Khan et Jansher Khan (14 championnats du monde et 16 British Open à eux deux entre 1981 et 1996) ; seule une poignée d’Australiens contestent timidement leur suprématie. En 2004, le Français Thierry Lincou devient le premier numéro 1 mondial non natif d’Angleterre ou d’une de ses anciennes colonies. Les palmarès des British et World Open depuis le début des années 2000 témoignent de l’internationalisation du squash avec des vainqueurs australien, écossais, français ou égyptiens. Depuis 2016, l’Egypte truste les titres mondiaux : chez les femmes comme chez les hommes, les trois dernières finales ont été égypto-égyptiennes. Comme pour le tennis, trois entités gèrent ce sport: la Fédération internationale, l’Association professionnelle de squash qui chapeaute le circuit professionnel masculin et l’Association des joueuses professionnelles, qui régente le circuit féminin. Revendiquant plus de 20 millions d’athlètes dans 185 pays, le squash toque régulièrement à la porte du Comité international olympique pour intégrer le programme des JO, mais a toujours été éconduit jusqu’à présent.
En France, le squash, après avoir été géré cinq ans par la Fédération de tennis, prend son indépendance en 1980 avec la naissance de la Fédération. 200 000 personnes le pratiquent. Essentiellement des cols blancs qui vont transpirer entre deux réunions puisqu’on ne compte que 22 000 licenciés. Dont l’incontestable leader Grégory Gaultier, triple vainqueur du British Open (2007, 2014, 2017) et champion du monde en 2015